La prolongation de contrat XXL d’Erling Haaland à Manchester City, coup de maître ou coup de com’ ?

A quelques jours d’affronter le PSG, Manchester City a annoncé en fin de semaine passée s’être assuré les services de son serial buteur Erling Haaland jusqu’en 2034, une durée démentielle et jamais vue. Mais tout sauf anodine de la part des dirigeants mancuniens entre taquinerie et mesquinerie sous fond de conflit juridique avec la Premier League.

Il faut d’abord écarter une hypothèse que beaucoup avaient formulée lorsque Manchester City annonça qu’Erling Haaland avait paraphé un nouveau contrat de neuf ans et demi avec le club, ce qui ne s’était jamais vu où que ce soit, et qu’on ne reverra sans doute jamais.

Chelsea avait déjà fait signer des contrats de très longue durée à ses recrues (Moises Caicedo huit ans, Mikhaylo Mudryk huit ans et demi, etc, etc…) dans le seul but de pouvoir amortir leur prix d’achat sur un laps de temps beaucoup plus important que les traditionnelles cinq saisons et, ainsi, de passer entre les gouttes des réglementations anglaise et européenne en matière de fair-play financier. Manchester City n’aurait-il pas eu recours au même artifice ?

Cette fois, Manchester Ciy n’a pas eu besoin de duper

Non, Man City ne l’a pas fait. Pour commencer, Man City n’a pas ces soucis. Le club se porte comme un charme (sur le plan économique, s’entend), avec un chiffre d’affaires qui a dépassé les 800 millions d’euros pour la première fois en 2022-23, et un bénéfice de pas loin de 100 millions sur le dernier exercice.

Ensuite, la Premier League, un peu tard, c’est vrai, s’est rendu compte que le cheval s’était enfui et a fermé les portes de l’étable pour éviter que d’autres le suivent. C’était en décembre 2023. Il est désormais interdit à quelque club que ce soit d’amortir le coût d’une recrue sur plus de cinq années. L’hypothèse est donc nulle et non avenue.

On s’était aussi posé des questions sur la légalité de l’opération. Les réglements de la FIFA régissant le statut des joueurs (article 18(2)) spécifient en effet que la durée maximale d’un contrat est de cinq ans… sauf lorsque les lois qui s’appliquent dans le territoire où le joueur exercera son métier le permettent. C’est le cas au Royaume-Uni, ou rien n’empêche un joueur et son club de lier leurs destins pour aussi longtemps qu’ils le désirent.

L’arrangement entre Haaland et Manchester City n’a donc rien d’illégal, pas plus qu’il ne constitue un tour de passe-passe comptable. Un bras d’honneur, par contre, oui, adressé à la Premier League et à deux tiers de ses clubs, à l’UEFA, aux médias, à quiconque a eu le toupet de ne pas s’incliner devant l’éclatante réussite du club de Sheikh Mansour.

C’est que, de quelque autre point de vue qu’on le considère, ce contrat est insensé. Haaland se plait à City. Il vient de devenir papa. Il marque à nouveau. Mais il n’a pas pris la décision de prendre sa retraite à Manchester. Un jour, ce sera le Real, tout le monde le sait, comme tout le monde l’a toujours su. Le retrait des clauses de départ qui figuraient dans son contrat précédent – mais jusqu’en 2029 seulement – refroidira peut-être les ardeurs de Florentino Perez et d’autres pour quelque temps, mais ne constitue qu’un détail au bout du compte.

Man City aurait tout aussi bien pu obtenir ce retrait en n’offrant que quatre ans et demi de prolongation à son attaquant, pas neuf et demi, quand le Norvégien sera dans sa trente-cinquième année. Je fais le pari de suite : en 2034, cela fait longtemps qu’Haaland sera parti de Manchester City, et cela ne fera ni chaud ni froid au club, qui a un autre objectif en tête. Et cet objectif est de marquer les esprits, dans la foulée de l’annonce d’une autre prolongation de contrat, celle de Pep Guardiola.

115, le chiffre clé

Le message est clair. Si notre entraîneur emblématique fait le choix de rester, et si le buteur que le reste du monde nous envie fait de même, c’est qu’ils ont confiance en nous, en nos dirigeants, en notre propriétaire (même si nous le voyons jamais); et surtout, en nos avocats.

Le voilà, le bras d’honneur. Si nous, Manchester City, sommes prêts à faire un pont d’or pour une décennie à notre joueur-vedette, c’est que nous savons que les 129 chefs d’accusation dont nous avons à répondre dans le litige qui nous oppose à la Premier League ne tiendront pas face aux arguments de Lord Pannick et de son armée d’hommes de loi. Ni Pep Guardiola ni Erling Haaland n’auront à découvrir cet autre monde qu’est le Championship. Leurs nouveaux contrats en sont la preuve.

Comme l’a relevé le journaliste Nick Harris, il n’a pas échappé à la frange conspiratrice des supporters de Manchester City que les neuf ans et demi de ce nouveau contrat, c’étaient 115 mois. Enfin, plus ou moins, mais suffisamment plus que moins. 115, comme le nombre d’infractions commises – selon la PL – par leur club! (Elles sont 129, en fait, mais 115 est le chiffre qui n’a cessé d’être répété dans les médias britanniques). C’était donc un signe que Manchester City entendait transmettre à ses fidèles, comme dans un roman de Dan Brown ou un “post” de QAnon. Ne craignez rien, nous vaincrons. Nous ne pouvons pas le dire tout haut, mais vous aurez compris.

C’est ainsi que fonctionne Manchester City, club admirablement géré à beaucoup d’égards, mais qui se nourrit de sa paranoïa comme aucun autre, pour ensuite en nourrir ses propres supporters. Le nouveau contrat d’Erling Haaland est absurde à beaucoup d’égards, mais participe d’une politique de communication qui est au coeur de ce qu’est Manchester City en 2025. Plus qu’un club, un simulacre.

Share this article

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *