Le nouveau premier ministre Keir Starmer a promis vendredi de «rebâtir» et «unifier» le Royaume-Uni après la victoire écrasante de son parti travailliste aux élections législatives.
C’est la première fois depuis 2010 que le Labour (centre-gauche) va diriger le pays, après 14 ans de gouvernements conservateurs et une succession de crises: austérité, Brexit, envolée des prix ou encore valse des premiers ministres.
«Nous reconstruirons» le Royaume-Uni, a lancé le dirigeant de 61 ans devant Downing Street, après avoir été chargé par le roi Charles III de former un gouvernement, dont les principaux membres devraient être annoncés dans la journée.
Radieux, M. Starmer, ancien avocat dans les droits humains, a longuement reçu embrassades et félicitations des dizaines de ses soutiens rassemblés sur les trottoirs de Downing Street, certains agitant des drapeaux britanniques.
«Brique après brique, nous reconstruirons l’infrastructure des opportunités», a-t-il déclaré citant éducation et logement abordables, et insistant sur l’idée de «service» en politique.
Il a promis de de se battre avec son gouvernement «jour après jour» pour que les Britanniques puissent à nouveau croire à un avenir meilleur pour leurs enfants et «unifier notre pays».
Face au «défis d’un monde précaire», il s’est engagé à une «reconstruction calme et patiente», «notre travail est urgent, et nous le commençons aujourd’hui», a-t-il ajouté avant de franchir avec son épouse Victoria la porte du 10 Downing Street.
«Je ne vous promets pas que ce sera facile. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour changer un pays», avait-il cependant averti à l’aube, après la victoire annoncée de son parti.
Sunak «désolé»
Peu avant, dans son dernier discours de premier ministre, le conservateur Rishi Sunak au pouvoir depuis 20 mois s’est dit «désolé» auprès des Britanniques.
«Vous avez envoyé le signal clair que le gouvernement du Royaume-Uni doit changer, et votre jugement est le seul qui compte», a-t-il déclaré, endossant la responsabilité de l’échec historique des conservateurs, qui ont enregistré leur pire résultat en un siècle. Il a annoncé sa démission prochaine de la tête du parti conservateur.
Parmi les premiers rendez-vous qui attendent Keir Starmer, le sommet du 75e anniversaire de l’OTAN la semaine prochaine à Washington.
Selon les résultats quasi complets, le Labour a décroché 412 sièges, bien au-delà du seuil des 326 pour obtenir la majorité absolue à la Chambre des Communes et pouvoir gouverner seul. C’est juste en deçà du score historique de Tony Blair en 1997 (418).
Le parti conservateur est réduit à 121 députés élus, contre 365 il y a cinq ans sous Boris Johnson.
Plusieurs poids lourds du parti conservateur ont été emportés par une vague de rejet. Parmi eux, l’ancienne première ministre Liz Truss et les ministres de la Défense Grant Shapps ainsi que des Relations avec le Parlement Penny Mordaunt qui était vue comme une possible future cheffe de parti.
«Choix difficiles»
Keir Starmer le sait: les Britanniques l’attendent au tournant et il n’y aura pas de lune de miel.
Après «ces derniers mois et années difficiles», Ramsey Sargent, 49 ans, a hâte «de voir ce qui va se passer». «Il y a une pression énorme sur le nouveau premier ministre», souligne auprès de l’AFP cette femme de 49 ans.
Abdul Muqtvar, 40 ans, juge quant à lui que «la politique britannique n’a pas fait le moindre progrès depuis une dizaine d’années». «Ce sera intéressant de voir comment le Labour s’en sort». «S’ils n’y arrivent pas, je pense que nous aurons un nouveau changement de gouvernement aux prochaines élections».
Tout au long de la campagne, Keir Starmer, entré en politique il y a seulement neuf ans, a promis le retour de la «stabilité» et du «sérieux», avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.
Le futur gouvernement devra faire «des choix difficiles» face à «l’ampleur du défi», a prévenu Rachel Reeves, amenée à devenir ministre des Finances, une première pour une femme au Royaume-Uni.
Keir Starmer promet de transformer le pays comme il a redressé, sans états d’âme, le Labour après avoir succédé au très à gauche Jeremy Corbyn en 2020, recentrant le parti sur le plan économique et luttant contre l’antisémitisme.
Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l’immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l’Union européenne – sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.
Droite dure
Dans ce Parlement totalement redessiné, les libéraux-démocrates (centristes) redeviennent la troisième force, avec 71 députés.
Bouleversement de taille, le parti anti-immigration et antisystème Reform UK fait son entrée au Parlement avec quatre sièges. Son chef, la figure de la droite dure Nigel Farage, devient député à sa huitième tentative.
L’ancien héraut du Brexit a salué le début d’une «révolte contre l’”establishment”».
En Écosse, les indépendantistes du Scottish National Party subissent un sérieux revers: ils n’emportent que neuf des 57 circonscriptions.
Les Verts remportent quatre sièges, contre un seul auparavant, dans une Chambre des Communes qui comptera un nombre record d’au moins 261 femmes, contre 220 en 2019.